La visite de l'île Royale (4/4)
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La carrière, d'où furent extraites toutes les roches utilisées pour édifier les divers bâtiments. Elle servit (et sert encore) de réserve d'eau pluviale (en saison sèche comme au moment où furent prises ces photos, le niveau est des plus bas). Depuis une quinzaine d'années, pour les besoins de l'auberge, outre cette réserve (potabilisée) est disponible une unité de dessalement de l'eau de mer. Au temps du bagne l'eau faisait souvent défaut. Chaque case de surveillant avait sa citerne branchée sur la toiture et en saison sèche, une corvée de transportés venait livrer la quantité d'eau tout juste nécessaire pour la famille. La proximité de la réserve près des habitations facilitait la prolifération des moustiques.
Le quartier des détenus; Ils étaient de 300 à 600 selon les époques... Et ils prenaient finalement fort peu de place.
Ruines de cellules individuelles (pour les condamnés à des peines disciplinaires). On distingue les supports de bat-flancs.
Peine de cachot (semi obscur ou noir)
Dortoirs de détenus (qui dormaient sur des bât-flancs)
Autres salles communes. Au centre, les quatre plots (restaurés) qui servaient à équilibrer la guillotine, les jours d'exécution.
Lavoirs, devant les cases. Aucune eau courante à l'intérieur, juste un baquet pour les déjections, vidangé le matin dans la mer.
Vue d'ensemble du quartier des détenus
Les théodolites contemporains dans les ruines du bagne...
La case des malades légers (les plus atteints étaient admis à l'hôpital mais les soins étaient réduits au strict minimum, faute de moyens).
Arrière du quartier des détenus. Il y avait quelques manguiers sur l'île, mais être surpris à manger un de leurs fruits, même tombés à terre, pouvait coûter jusqu'à un mois de cachot.
A gauche: la case des porte clés (forçats de confiance, souvent nord-africains) et le poste de garde. A droite: la cuisine des détenus.
L'hôpital, sans doute un des plus beaux bâtiments pénitentiaires de Guyane. Malheureusement, son accès est interdit, et réellement dangereux tellement les rares planchers conservés sont dégradés. Etaient soignés dans cet hôpital quelques détenus et les gardiens des îles, mais aussi des pénitenciers malsains du continent, comme celui des Roches: l'air des îles, salubre, facilitait les convalescences.
Pignon de l'hôpital, et phare des îles
Ecole (pour les enfants du personnel) et logement de l'institutrice
Cimetière des enfants du personnel
Une maman obtint le droit de reposer pour l'éternité près de son très jeune fils
Selon les époques, poudrière, dépot de pétrole ou... morgue. L'auteur du site y dormit deux nuits de suite, faute de chambre disponible!
Les quelques puits ne donnaient, surtout en saison sèche, qu'une eau saumâtre, quasiment imbuvable.
Le plôt du transbordeur par câble, qui permettait de joindre l'île Royale quand la houle empêchait tout accostage.
Marques d'usure faites par le câble sur une roche
L'autre montée sur le plateau.
On ne se fiera pas au caractère apparemment enchanteur de cette île. Il faut imaginer ce que devait être la promiscuité avec ces quelques dizaines de fonctionnaires civils ou militaires les uns célibataires, les autres mariés voire venus avec leurs enfants, ces centaines de forçats, tous confinés sur quelques hectares, certains pour des sessions de six mois, d'autres pour des années. Les jalousies, les envies, les petits trafics, les complots, les abus d'autorité - ou la juste autorité considérée comme un abus - c'était cela, le quotidien. C'est en tout cas ce qui ressort des divers témoignages, qu'ils émanent d'anciens détenus ou de gardiens. Aller aux îles était - sauf pour quelques originaux - considéré comme un exil, une sanction. Pour les forçats, c'était la certitude de vivre sous un climat plus sain, d'effectuer des tâches certes monotones et pour la plupart inutiles, mais c'était la quasi impossibilité de s'évader. Certains s'en contentaient ; d'autres se désespéraient.
Etaient affectés aux îles les transportés les plus susceptibles de s'évader - soit parce qu'ils avaient prouvé leurs "compétences" en la matière soit parce qu'ils étaient soupçonnés de pouvoir soudoyer des complices. On y mettait aussi ceux dont l'actualité avait le plus parlé: l'évasion d'un Soleilland (lien), d'un Barataud (lien) auraient entraîné un scandale de portée nationale - aussi les pires criminels "se la coulaient relativement douce" (si on excepte le mépris universel qu'ils subissaient) quand de pauvres bougres victimes d'un moment d'égarement allaient crever "sur la route" ou dans un camp forestier.